Travailleurs indépendants et requalification

Travailleurs indépendants via plateformes type Uber, Deliveroo, Take Eat Easy : l’intérêt de la requalification en qualité de salarié.
Le cabinet ALLARD NEKAA & Associés accompagne les travailleurs indépendants souhaitant faire requalifier leur activité en contrat de travail salarié.

Depuis l’arrêt UBER du 2 mars 2020, la cour de cassation a ouvert largement aux faux indépendants le recours à une action en requalification. L’intérêt d’une requalification est multiple pour le salarié.

Recours à une action en requalification – La cour de cassation, Take It Easy et Uber

La loi ne définit pas le contrat de travail.
Selon la jurisprudence le contrat de travail est celui par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne, contre rémunération.
Le contrat de travail est donc composé de 3 éléments :

  • L’exercice d’un travail ;
  • contre versement d’une rémunération ;
  • sous un lien de subordination juridique.

Selon la jurisprudence, le lien de subordination se définit par « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

La question qui a été posée à la justice était : les travailleurs de plateformes de livraison à domicile type Deliveroo ou Uber Eats, ou de transport type Uber sont-ils des salariés ?
La question essentielle est de savoir si la plateforme a le pouvoir de leur donner des ordres et directives, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements éventuels.

À cette interrogation, la Cour d’Appel de Paris avait retenu en 2019 un faisceau suffisant d’indices caractérisant le lien de subordination entre le travailleur et la plateforme.
Elle indiquait qu’une condition essentielle de l’entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer, la maîtrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs.
Si le conducteur s’est engagé auprès d’Uber en signant un formulaire d’enregistrement de partenariat, en obtenant sa carte professionnelle de conducteur de VTC et son immatriculation au registre Sirene, en tant qu’indépendant, le chauffeur Uber n’a pu se constituer aucune clientèle propre, ce qui est interdit par Uber, et ne fixait pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport.

Encore, Uber exerce un contrôle sur le travailleur dans la mesure où au bout de trois refus de sollicitations, est adressé le message : “Êtes-vous encore là ?”.
Enfin, si un chauffeur déconnecte, la plateforme se réserve le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’application.

La Cour d’Appel a relevé que ce processus a pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non.
Si la Cour de Cassation avait déjà retenu un lien de subordination entre la société de livraison de repas Take Eat Easy et ses coursiers à vélo (Arrêt n°1737 du 28 novembre 2018 (17-20.079) – Cour de Cassation – Chambre sociale), la position de la Cour de Cassation concernant Uber était très attendue.
Par son arrêt du 4 mars 2020, la Cour de cassation retient que les chauffeurs Uber sont bien des salariés, confirmant l’analyse de la Cour d’Appel de Paris ci-dessus.

Selon la Cour de Cassation le travailleur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV en n’ayant aucune clientèle propre, en ne fixant pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport ces paramètres étant entièrement régis par la société Uber BV.
Point essentiel il est jugé que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV.
Le lien de subordination est caractérisé lors des connexions du chauffeur de VTC.
Les tarifs dépendent de l’itinéraire particulier imposé au chauffeur et comportent une possibilité d’ajustement par Uber, ce qui démontre que Uber donnait des directives et en contrôlait l’application.

Est mis en exergue la clause suivante du contrat entre Uber et son travailleur : « Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d’Uber ».
La Cour de Cassation en tire logiquement la conséquence que cette clause incite les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant.
Elle rappelle que le chauffeur n’a pas toujours connaissance de la course lorsqu’il l’accepte, et doit répondre en seulement huit secondes…
Concernant le pouvoir de sanction, les corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un “itinéraire inefficace”, sont une sanction déguisée, tout comme la fixation par la société Uber BV d’un taux d’annulation de commandes pouvant entraîner la perte d’accès au compte, ainsi que la perte définitive d’accès à l’application Uber en cas de signalements de “comportements problématiques”.
Cet arrêt devrait inciter les chauffeurs Uber et autres travailleurs sur des plateformes similaires à saisir le Conseil de Prud’hommes pour demander la qualité de salarié.

L’intérêt de la requalification

L’intérêt pour le travailleur est de faire juger par un Conseil de Prud’hommes la fin de la relation de travail comme un licenciement abusif, sans cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences à savoir :

  • paiement du préavis ;
  • versement d’une indemnité de licenciement ;
  • Encore et surtout condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’ajoutent notamment :
  • Le paiement d’heures supplémentaires et de congés payés sur les 3 années antérieures ;
  • Une condamnation de l’employeur à 6 mois de dommages et intérêts pour travail dissimulé, du fait de la non-déclaration du salarié auprès de l’URSSAF et de l’absence de paiement des cotisations sociales.
Si vous pensez exercer dans ce type de conditions (à titre non exhaustif, l’Institut Montaigne a relevé dans son étude typologique certaines plateformes recourant à des travailleurs réguliers et à fort niveau d’interventionnisme : UBER, KAPTEN, FRICHTI, UBER EATS, DELIVEROO, STUART, GLOVO, HELPLING, HELLO CASA, LE CLUB DES EXTRAS, BRIGAD, STAFFME), le cabinet ALLARD NEKAA & Associés se tient à la disposition des travailleurs pour analyser si les conditions d’une requalification sont réunies.

Il appartiendra à ceux-ci de prendre rendez-vous en se munissant des éléments suivants :

  • Rapport hebdomadaire de travail, d’incident et de suspension depuis 3 ans
  • Avis imposition depuis 3 ans
  • Paiement URSSAF depuis 3 ans
  • Copie carte VTC
  • Date des congés